
Faire connaissance avec son chat
Lorsque nous adoptons un chat, nous ne savons pas qu’en partageant notre quotidien, il va nous apporter une présence inestimable, tout en transformant notre regard, si nous voulons bien lui prêter attention. Mais que savons-nous vraiment de ce petit félin ?
Malgré toutes les connaissances accumulées sur la vie animale, il semble que le chat ait été pendant longtemps relégué dans une zone peu fréquentée de la recherche au niveau comportemental. De manière surprenante, l'intérêt des études en éthologie s'est porté sur lui assez tardivement, comme si le plus proche de nos animaux de compagnie, et l'un des plus anciens aussi (sa domestication remonte à environ 10'000 ans), n'attirait pas notre curiosité, en ce qui concernait son aspect purement animal. Actuellement, les recherches se sont développées et une nouvelle vision apparaît, rendant compte de ce qui pourrait bien faciliter une nouvelle forme de connivence avec ce compagnon semi-sauvage, qui a investi notre lieu de vie d'une manière toute particulière.
Une première observation : le chat chercherait à communiquer avec nous, et pour ce faire il serait capable d'expérimenter un large registre de comportements.
Le miaulement par exemple : essayez de noter ses différentes intonations et vous vous rendrez compte de son style, à nul autre pareil : sons rauques, stridents, sifflants, doux, hachés (plutôt quand il regarde un oiseau), forts et persistants (il faut bien se faire entendre), brefs et chantants (il salue au passage), etc. Et si vous l’approchez en essayant de moduler votre voix pour l’imiter, il va s'intéresser tout à coup, tendre l’oreille pour vous écouter attentivement, puis chercher à transformer son miaulement pour entrer dans le même registre que le vôtre, s’il le veut bien...
Concernant la communication, il est intéressant également de citer ce fait relevé par les éthologistes : il semble qu’à l'état sauvage, le chat, à l’instar des autres félins, n’ait pas développé un registre de miaulements compliqué, car son mode de communication passe essentiellement par la posture, la gestuelle, mais aussi les repères chimiques qu’il laisse le long du chemin. La conclusion se résumerait en une question : notre chat domestique tenterait-il de nous imiter pour entrer en contact avec nous ? En vivant en notre compagnie, il a depuis longtemps capté que notre mode favori passait par la voix, lorsque nous nous penchons vers lui pour lui dire des choses, lorsque nous l’appelons de loin, et bien sûr parce que nous parlons beaucoup entre nous. Un animal de compagnie n’est pas indifférent à nos mouvements, il est une intelligence qui nous scrute. Nous ne savons pas ce qu’il pense, mais lui s’adapte à notre monde, et nous au sien, de temps en temps. Parce qu’il sait aussi transmettre certains messages quand il le faut, à sa manière ; dans certains cas, il peut agir de manière très subtile, mais persistante pour arriver à ses fins. Par contre, s’il n’est pas entendu, il deviendra indifférent, et ira voir ailleurs.
Là, il s’agissait du chat domestique, le «chat de salon» que nous connaissons bien. Mais dès que notre petit félin a passé le pas de la porte, il se transforme en son Autre, le sauvage, à un tel point que certains propriétaires auraient du mal à reconnaître leur cher et doux compagnon, dans certaines situations scabreuses.
Si nous revenons à notre chat en tant que mammifère, immergé dans son monde animal : que disent aujourd’hui les spécialistes du félin à propos de son style de communication ?
Deux formes de langages représentent le mode typique qu’il utilise instinctivement, lorsqu’il évolue dans son monde animal :
le langage corporel : comportements, postures, gestuelle, mimique, mouvements des yeux, des oreilles, de la queue.
le langage chimique : la diffusion de phéromones. Les substances odorantes proviennent de glandes situées sur les tempes, au coin de la lèvre, à la base de la queue, sur les coussinets des pattes.
Voici quelques scénarios typiques des mouvements langagiers du chat :
1) À propos du langage du corps
Observez votre chat bouger en présence d’un congénère.
assis ou couché, immobile, le regard mi-clos ou porté ailleurs : contact amical, confiance. Ils vont passer un moment agréable ensemble.
assis, immobile, la queue bouge, le regard fixe ou oblique (regard par en-dessous) : il est énervé, quelque chose le contrarie.
se tournant vers l’autre chat, la tête et le corps rassemblés vers le bas (un peu tordu) : quelque chose ne lui convient pas, le rend méfiant.
faisant face à l’autre, les oreilles en arrière, le regard haut, fixé droit dans les yeux : il menace d’engager le combat ; l’autre doit dégager.
les deux chats en face-à-face, tendus, lançant des vocalises (une sorte de plainte) : l’autre ne veut pas partir, il montre sa détermination à faire face à la menace.
un éclat dans l’œil (la pupille se dilate soudain), le corps est tendu, ramassé sur lui-même : c’est le signe de l’attaque imminente. Vous n’avez même pas le temps de dire ouf, que vos deux chats se sont jetés l’un sur l’autre et forment une boule compacte. Puis en quelques secondes c’est fini, les combattants se séparent. Si le litige n’a pas été résolu après cette première échauffourée, ils vont recommencer, plusieurs fois.
Un conseil : apprenez à identifier les signes précurseurs d'une bagarre, afin de séparer les animaux avant qu’ils ne passent aux choses sérieuses, car les blessures sont fréquentes suite à ces affrontements, surtout à la tête, avec un risque d’infection sous-cutanée.
2) À propos du langage des odeurs
Observez à présent votre chat se promener dans le jardin.
Après avoir fait ses premières expériences sur son nouveau lieu de vie, votre compagnon va mettre en place un plan de contrôle du territoire très sophistiqué : passer régulièrement à certains points stratégiques, pour marquer sa présence par l’odeur et transmettre ainsi son identité et ses mouvements aux autres chats. Puis choisir des horaires pour éviter les rencontres inopinées. Les chats de ville se partagent le territoire, car ils n’ont pas un espace naturel à disposition, c’est-à-dire aux dimensions dignes d’une vraie propriété féline (imaginez, un chat sauvage couvre un terrain d’environ 85 hectares ! ).
Pour notre compagnon, une organisation s’impose donc et se base sur son évaluation des phases de passage odorantes qu’il décèle régulièrement lors de ses tournées. Tel chat passera à 8h du matin, le suivant à 9h, et ainsi de suite. Si vous avez une caméra dans votre jardin, vous remarquerez facilement ces allées et venues à certains endroits spécifiques (sur un chemin de dalles, le long d’une haie, près d’une ouverture vers un autre jardin…). Un passage continu et renouvelé quotidiennement, de jour comme de nuit.
Le marquage ne veut pas dire toujours ce que l’on pense, même s'il est pratiqué régulièrement par tous les chats (et pas seulement les mâles non castrés) : mais en général, le frottage et grattage contre des buissons, troncs, planches et murs suffit.
Regardez-le faire : on dirait qu’il veut toucher tous ces éléments, les uns après les autres. Mais lui est très concentré sur sa tâche et, par la même occasion, il va flairer attentivement chaque coin connu, là où il saura trouver rapidement une identification des messages de ses voisins.
Voilà la raison principale de ses allées et venues : occuper son territoire et le faire savoir. Ses rondes représentent l’activité qui lui prend la plus grande partie de son temps de sortie et se répète plusieurs fois par jour/nuit. D’où l’importance pour lui d’avoir accès facilement à l’extérieur, comme à l’intérieur. La sécurité d’un chat est souvent liée à ces questions d’accès. S’il ne peut pas sortir pendant une longue période, il devra recommencer son travail d'occupation de son territoire et d’organisation des horaires, et s’il ne peut pas réintégrer son home après sa ronde (qui souvent ne dure pas très longtemps), il va chercher à se réfugier ailleurs, donc déplacer son lieu de repos. De notre point de vue, cela n’est pas facilement compréhensible, mais de son point de vue à lui, il peut s’agir d’une réelle source de stress. Faciliter ses sorties-entrées selon son propre rythme permet donc à votre chat de vivre avec plus de quiétude, en ayant les moyens de contrôler son habitat extérieur, comme intérieur.